Posté sur la communauté: “Enfance perdue”, ou comment un père bisexuel en couple gay voit grandir sa fille, par 14141
Pour son premier post sur la communauté, 14141, déjà blogueur par ailleurs, aborde avec humour un sujet très personnel: comment voit-on sa fille grandir quand on est un père bi en couple gay?
“Enfance perdue”, par 14141 Je me suis toujours demandé comment ma fille m’annoncerait qu’elle devenait femme, qu’elle avait ses premières règles. J’avais tout imaginé: par
confidence, par une personne tierce, le paquet de serviettes hygiéniques entamé, des tâches sur ses draps… mais j’étais loin de me douter de la manière dont cette information capitale allait
me tomber dessus! Je redoutais, je vous l’avoue, ce moment. Comment, moi, un homme bisexuel et père élevant sa fille avec un homosexuel, pourrais-je me dépatouiller de cette histoire de
femme?
La première étape fut l’achat des serviettes hygiéniques. Il y a un peu plus de six mois, ma fille s’est plainte de douleurs au ventre. Mon sang n’a fait qu’un tour et je m’aperçus avec frayeur
que je n’avais rien prévu pour cette inévitable épreuve. J’embarque avec moi mon p’tit Zèbre, direction, de toute urgence, un supermarché. À part les pubs, à la télévision, mon savoir sur les
moyens modernes, pour éviter les pertes, était très restreint et devant ces étagères remplies de ces paquets de toutes les couleurs, je me suis rêvé un instant être femme. Que devais-je acheter à
ma fille? Les mêmes que pour moi? Quelle marque ma mère m’avait donnée la première fois? Mais avec tous les efforts possibles et inimaginables, je ne pourrais jamais remplacer une mère devant ce
rayonnage. Je me sentais vraiment merdeux, désespéré, je voulais presque appeler Céline pour qu’elle puisse me conseiller. Tête de mule comme je suis, je ne le fis pas et j’ai eu la bonne idée de
me tourner plutôt vers mon p’tit Zèbre!
Comme vous le savez certainement, mon p’tit Zèbre ne sait pas comment est faite une femme. Il n’a jamais éprouvé la moindre attirance sexuelle pour le sexe opposé et de ce fait, ne connaît pas
certaines choses; mais je comptais surtout sur le fait qu’il a toujours eu de grandes amitiés féminines et qu’il pouvait ainsi me révéler des secrets que seules les femmes se font entre
elles.
- Franchement, j’en sais pas plus que toi. Je suis désolé, me dit-il sincèrement.
- On ne va pas y arriver. Tampons ou serviettes, d’après toi?
- Ben, je pencherais plus pour serviettes pour la première fois. Se mettre un corps étranger dans le sexe, à 13 ans, ça doit faire bizarre. Quoique, je me souviens qu’à 14, j’avais subtilisé une
carotte dans le réfrigérateur de mon père et l’avais utilisée… puis après, je l’avais lavée et remise à sa place.
- Et vous l’avez mangée???
- Ben, oui, je l’avais bien lavée et puis mon père l’a épluchée, alors…
- Moins fort, dis-je! On est quand même dans un supermarché! C’est vraiment crade ton histoire. Bon, optons pour les serviettes!
- Ok, les serviettes! Mais putain, la vache, y’en a des tonnes et totalement différentes les unes des autres! ….! C’est quoi l’indice d’absorption?
- J’imagine que c’est un indicateur. Elles doivent être calibrées pour recevoir une certaine dose de sang précise. Je sais que les règles sont plus ou moins abondantes. Quand je travaillais comme
aide médico-psychologique, il m’arrivait fréquemment de changer des patientes déficientes mentales. Je me souviens de l’une d’entre elles qui avait des pertes énormes. La matin, sa serviette
débordait, il y en avait partout… et ça sentait super fort!
- Mais c’est dégueulasse ton truc!!! Arrête ou je vais vomir, dit-il, le teint blême.
- Ça ne nous dit pas ce que l’on doit prendre.
- Et si on demandait à cette dame? proposa naïvement mon p’tit Zèbre.
- Non, il est hors de question! La honte… je ne peux pas.
- Attends, je vais lui demander
Je n’ai pas eu le temps de le retenir que le voilà déjà en train de “tchatcher” avec une jolie femme, la trentaine, avec un voile sur la tête!!! Mon dieu! Il n’avait pas vu qu’elle n’était pas
toute seule! Une femme plus vieille, moins jolie, bien portante, coiffée elle aussi d’un voile, se mêle à la conversation. Je m’approche discrètement.
- Oui, c’est lui le père, sort mon p’tit Zèbre l’air triomphant! Approche, elles m’expliquent les différences.
- Bonjour, je suis vraiment gêné, dis-je sincèrement.
- Non, ne vous inquiétez pas, dit la jolie femme à la tête voilée. Je disais à votre ami que le mieux pour elle serait la serviette. Celle-ci ou celle-là, me montre-t-elle du doigt. Elles sont un
peu plus chères mais de bonne qualité.
Et c’est ainsi que nous avons acheté pour la première fois des serviettes hygiéniques à ma fille. En rentrant de courses, je me rendis dans sa chambre et lui expliquai que, peut-être, dans les
jours à venir, son corps allait se transformer… bref, tout un blablabla pour la rassurer et lui dire que j’étais là en cas de coup dur, et puis je lui tendis le paquet de serviettes.
Je n’entendis plus parler de mal de ventre pendant toute une période. Je décidai donc de prospecter dans la réserve pour savoir si elle utilisait ses serviettes. Le paquet restait non utilisé.
J’ai appris récemment par ma mère que ma fille s’inquiétait de l’absence de ses règles. Aussi pris-je rendez-vous avec un gynécologue. Et puis hier, une semaine après la réception du jugement, je
rentre au “Terrier” fatigué par une journée harassante. Ma fille m’accueille:
- Papa, c’est quand que tu vas faire les courses?
- Je ne sais pas trop, j’y suis allé hier. Jeudi ou vendredi, pourquoi tu as encore besoin de quelque chose?
- Ben, en fait il me faudrait des tampons pour demain, j’ai entraînement piscine! Il me faut des minis ou des spéciaux jeune fille.
- Pourquoi? T’as tes règles? dis-je avec mon air de tomber des nues.
- Papa! Si je te demande des tampons… j’vais pas te faire un dessin!
- Mais tu sauras le mettre au moins???
- Papa! Ne t’inquiète pas, je sais tout ce qu’une jeune fille doit savoir. Je veux juste un peu d’argent pour aller m’en acheter; ce sera plus simple, je crois.
Je sors mon porte-monnaie, un billet de 20€ et la vois partir.
Elle était encore une enfant ce matin, maintenant son corps en a décidé autrement. Elle restera malgré tout mon enfant, celle qui embellit chaque jour de ma vie.
Je sais qu’elle partira, un jour, pour vivre sa vie, une vie de femme.
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